Sur LinkedIn, les profils personnels génèrent un engagement bien supérieur à celui des pages entreprises. Les utilisateurs préfèrent interagir avec des personnes plutôt qu’avec des marques. Pourtant, rares sont les entreprises qui saisissent réellement cette opportunité.
Dans cet article, nos experts répondent à toutes les questions que vous vous posez sur l’Employee Advocacy. Hortense Pignal, Head of Marketing chez Accenta, partage notamment son expérience du programme mis en place par l’entreprise. Cette stratégie a permis de multiplier par 3 la base de followers la première année. Résultats : 600 posts publiés en un an et 1,500 000 impressions générées. Des résultats qui illustrent le potentiel de cette approche lorsqu’elle est bien structurée.
Par où commencer ? Faut-il une charte ? Comment maintenir la motivation ? On fait le point sur les 10 questions les plus fréquentes sur l’Employee Advocacy.
1. Comment démarrer un programme d’Employee Advocacy sur LinkedIn ?
Hortense Pignal est claire sur ce point : « Je ne le vois pas forcément comme step 1, step 2. C’est plus qu’on va avoir dans un groupe des locomotives et des gens qui vont être plus suiveurs. »
Pour elle, créer du contenu est en fait plus engageant que de repartager les posts corporate. Le problème quand on demande « partagez nos posts », c’est que la plupart des collaborateurs hésitent ou ne le font pas car ils manquent de temps, ne se retrouvent pas dans le contenu proposé ou ne savent pas quoi ajouter en commentaire.
L’argument clé pour motiver la création : le personal branding. En publiant, les collaborateurs travaillent sur leur profil LinkedIn, « le CV d’aujourd’hui », et se positionnent comme experts sur leurs sujets.
Dans votre task force, le groupe de collaborateurs volontaires qui participent au programme, vous aurez deux profils complémentaires : les « locomotives » qui créent du contenu régulièrement, et les « suiveurs » qui likent et commentent. Les deux sont essentiels pour maximiser le reach, ce ne sont pas deux étapes successives.
2. Charte d’Employee Advocacy : comment la créer et la faire adopter ?
Hortense Pignal explique que chez Accenta, la charte venait de l’équipe marketing mais a été relue et validée par la task force.
« Ils l’ont pris positivement parce qu’ils ont compris que ça allait les protéger aussi. »
La charte est essentielle, même sans programme Employee Advocacy formalisé, car un tiers des employés postent déjà au nom de leur entreprise. Elle doit couvrir :
Les évidences : pas d’insultes, d’obscénités, de propos racistes, xénophobes, homophobes ou sexistes.
Les règles métier : ne jamais citer ou critiquer des concurrents.
La confidentialité : attention particulière aux avantages compétitifs (crucial pour une boîte avec forte composante R&D).
La gestion de crise : comment répondre à un hater ou un commentaire négatif.
Les cas délicats concernent les sujets personnels :
« Si quelqu’un veut poster sur ses cours de poterie, pourquoi pas. Mais si c’est son engagement politique, là on dit dans la charte qu’on évite. »
Le principe fondamental : « À partir du moment où on est identifié comme employé de l’entreprise sur son profil, on engage l’entreprise, qu’on le veuille ou non. »
3. Quels sont les droits de l’entreprise sur ce qu’on publie sur LinkedIn ?
Hortense rappelle l’importance d’anticiper ces questions. Elle cite l’exemple d’un pilote de British Airways qui avait pris l’habitude de communiquer sur X sans cadre défini. Lorsque l’entreprise lui a demandé publiquement d’arrêter, cela a généré un bad buzz, avec de nombreux soutiens au pilote. « Ça aurait pu être évité si ça avait été cadré avant. »
Le cadre juridique est clair : selon la jurisprudence, LinkedIn est d’abord un réseau professionnel et les publications ne relèvent pas de la vie privée. Si un salarié publie un contenu qui porte atteinte à l’image, la confidentialité ou diffame l’entreprise, l’employeur peut s’en servir dans une procédure disciplinaire ou un licenciement.
La liberté d’expression existe, mais est limitée par le devoir de loyauté, d’image et de confidentialité envers l’entreprise. Si les propos sont injurieux, abusifs ou nuisibles, ils peuvent être sanctionnés.
D’où l’importance d’une charte claire et d’une discussion à l’amiable en amont plutôt que de découvrir un problème a posteriori.
4. Comment gérer un collaborateur dont le style est clivant mais qui est le seul moteur ?
Hortense identifie le problème central : « À partir du moment où il est identifié comme employé de l’entreprise, il parle au nom de l’entreprise. C’est ça qui est compliqué. »
La solution passe par trois leviers :
La charte qui fixe des règles claires signées par tous.
Un cadre éditorial co-construit individuellement : territoires d’expression, tone of voice, formats, rythme, objectif.
Une discussion ouverte sur ce qui est acceptable ou non.
L’enjeu est de créer un espace de liberté dans un cadre défini, pas de brider complètement. « Il y a des gens qui se font virer pour des dérapages sur les réseaux sociaux. » Il faut que la personne prenne conscience qu’elle engage l’entreprise, mais dans un dialogue constructif.
5. Comment recruter des commerciaux peu familiers de LinkedIn dans le programme ?
Jolhane Leite, co-fondateur de UnlockM et part-time CMO, accompagne le programme Employee Advocacy de La Redoute Business. Il partage une technique qui a fonctionné après un premier échec.
Il explique qu’après un premier workshop sans succès, il a changé d’approche : pour l'équipe commerciale, il a identifié et analysé sur LinkedIn l’activité de leurs concurrents directs. Il a ensuite présenté ces profils en réunion, comparant leur visibilité et leur fréquence de publication. Face à leurs propres concurrents actifs, les commerciaux ont eu le déclic : « LinkedIn peut vraiment avoir un impact direct sur mon business, ça vaut le coup de s’y mettre. »
Résultat : passage de 1 à 5 volontaires.
Leçon : Pour convaincre des équipes peu familières de LinkedIn, montrez-leur concrètement que leurs concurrents y sont déjà actifs et que cela influence leur performance commerciale.
6. Faut-il fixer des objectifs chiffrés aux ambassadeurs ?
Hortense Pignal recommande une approche souple : « C’était clairement co-construit avec eux, sans imposer de pression chiffrée dès le lancement. » Les challenges mensuels servaient de mini-objectifs variables et ludiques.
Le vrai indicateur de succès pour Hortense :
« Quand on avait des gros coups de com à faire et qu’on voyait que les gens avaient déjà bossé leurs réseaux, déjà mis leurs profils à jour nickel, déjà eu cette envie de communiquer régulièrement, donc l’algorithme allait pousser leurs contenus, c’était un peu la cerise sur le gâteau. »
Mesurer l’effort plutôt que les résultats évite de décourager ceux qui n’ont pas de gros réseaux. Les challenges mensuels chez Accenta portaient sur :
celui qui poste le plus ;
celui qui a le plus de commentaires ;
le meilleur post sur une thématique donnée (avec jury interne).
7. Comment maintenir la motivation quand les collaborateurs n’ont plus d’idées ?
Sur ce point, elle est catégorique : « C’est là que c’est important d’avoir bien défini avec eux leur territoire d’expression, leur ligne édito, leur rythme. »
Le cadre éditorial individuel, co-construit avec chaque ambassadeur, définit les sujets sur lesquels il est légitime de s’exprimer, les formats qu’il préfère utiliser, et la fréquence de publication réaliste. Ce document sert de boussole quand l’inspiration manque.
Chez Accenta, une personne de l’équipe marketing s’asseyait régulièrement avec chaque membre pour :
trouver 5 idées de prochains post ;
discuter et faire émerger des angles ;
relire et améliorer les contenus.
« Parfois c’est vraiment juste une question de tenir les gens un tout petit peu par la main. Avec la conversation, ils trouvent des idées. Il ne faut pas les laisser tout seuls. »
Les mécanismes de soutien qui fonctionnent :
challenges mensuels avec récompenses ;
« Post of the Week » pour valoriser (parfois arbitrairement pour encourager les timides) ;
canal Teams pour un soutien collectif et immédiat ;
animation mensuelle avec des points 1:1 réguliers ;
invitation ponctuelle d’un influenceur LinkedIn sur une thématique en lien avec l’activité (ex : l’écologie chez Accenta, qui est une greentech spécialisée dans la décarbonation des bâtiments grâce à l’intelligence artificielle et à la géothermie.) pour relancer la dynamique.
Au-delà de l’accompagnement individuel, le soutien collectif est essentiel. « C’est horrible de publier et d’avoir 0 réaction. » Via le canal Teams, les collègues viennent liker et commenter les posts des autres, créant une dynamique de groupe.

8. Quels outils utiliser pour le reporting et la mesure ?
Hortense a opté pour une approche pragmatique : pas de scraping, c’était manuel. Les membres remplissaient leurs chiffres (nombre de posts, impressions, taux d’engagement) dans un tableau Notion, d’abord chaque semaine, puis mensuellement.
« Je partais du principe que les gens ne mentaient pas. Les likes tu peux vérifier, les impressions non. Mais généralement il y a des corrélations. »
Les métriques suivies :
Nombre de posts par personne
Impressions totales
Taux d’engagement
Evolution du nombre de followers
Pour les coups de communication spécifiques (levée de fonds, lancement produit), Hortense préparait un kit de com à destination de tous les employés, avec la task force en locomotive : « J’ai fait un reporting sur cette action spécifiquement, de la même manière que tu mesures les retombées d’une action RP. »
Exemple concret : l’annonce de la levée de fonds d’Accenta a généré 125 000 vues, a été reprise par La French Tech et Vivatech, et a reçu un commentaire de Bruno Le Maire.
9. Comment mesurer l’impact business sans tomber dans l’obsession du ROI direct ?
« L’Employee Advocacy influence le pipe, mais espérer mesurer l’impact direct est illusoire. » Pour nos experts, il faut accepter que cette approche vise avant tout à développer la notoriété, mettre en avant certains profils et générer un impact organique, plutôt qu’à tracer une attribution directe comme on le ferait pour des campagnes paid.
L’approche recommandée : awareness, notoriété, expérience, avec influence du pipe.
Mesurer :
la visibilité (impressions, reach) ;
l’engagement (likes, commentaires, partages) ;
le feedback qualitatif ;
les leads directs si le réseau est déjà développé.
Exception : au niveau CEO/dirigeant avec un réseau mature, les leads directs peuvent être trackés. Le nouveau CEO d’Accenta mesure ainsi les leads générés par ses posts LinkedIn (avec ghostwriting côté CEO/DG). Mettre en avant des cas clients dans ses posts a généré des messages privés de prospects intéressés.
Mais Hortense reste prudente :
« Il avait déjà un beau réseau, donc dès les premiers posts il a eu des leads. Ce n’est pas le cas de tout le monde. »
10. Quand et pourquoi arrêter ou pivoter un programme d’Employee Advocacy ?
Après deux ans, Accenta a arrêté le programme structuré. « Ce n’est pas que les gens ne postent plus du tout, mais j’ai arrêté ce travail au quotidien avec eux de mesure, d’animation, etc. »
Les raisons du pivot :
« Je sais pourquoi je l’ai commencé, je sais pourquoi je l’ai arrêté. Je l’ai commencé parce que j’avais un gros besoin de notoriété au global et de marque employeur. Maintenant que notre croissance s’est stabilisée, on a moins ces besoins-là, on doit se recentrer sur le business. »
Les signaux pour pivoter :
Evolution des priorités business : passage d’une phase de notoriété/recrutement à une phase de focus sur les ventes
Allocation des ressources : réorientation de la bande passante marketing vers les commerciaux et le CEO
Maturité acquise : les bases sont posées, les gens savent comment faire
Le passage d’une logique Employee Advocacy large à une logique sales enablement + thought leadership CEO était cohérent. Hortense explique : « C’est super d’avoir le DG qui porte la voix de la boîte et que les sales sachent les bonnes pratiques. Par exemple, j’ai une commerciale qui a déménagé, elle doit développer toute une nouvelle région en France, et pour se faire connaître elle crée du contenu. »
Bonus : les pods d’engagement, pour ou contre ?
Hortense recommande un canal Teams interne où les collaborateurs postent leurs liens pour avoir le soutien des collègues. Les collègues viennent en renfort.
En revanche, les pods externes (groupes d’entraide inter-entreprises pour booster artificiellement l’engagement) sont déconseillés.
« C’est vraiment une illusion que le profil grossit. Ça se voit qu’il y a un relais, et tu restes dans un cercle. Tu ne construis pas ton audience comme ça. »
La recommandation : privilégier le soutien interne authentique plutôt que des mécaniques artificielles qui ne construisent pas de vraie audience.
Ce qu’il faut retenir
L’Employee Advocacy n’est pas du copier-coller corporate. Chaque collaborateur doit créer son propre contenu, pas simplement repartager les posts de la page entreprise.
Deux prérequis non négociables : le bon timing stratégique (notoriété, recrutement, accélération) et une culture de confiance sans jugement ni contrainte.
Une charte protège tout le monde. Un tiers des employés postent déjà au nom de l’entreprise. La charte évite les bad buzz et sécurise le cadre.
Le personal branding est l’argument de recrutement. Valorisez l’expertise individuelle autant que la marque.
L’accompagnement est le vrai coût. « Ce qui prend le plus de temps, c’est d’être vraiment leur assistant. » Prévoir une personne dédiée pour trouver des idées, relire, rassurer.
La gamification maintient la motivation. Challenges mensuels, « Post of the Week », valorisation des efforts, canal interne pour le soutien collectif.
Mesurer l’influence, pas l’attribution directe. Se concentrer sur la notoriété, les impressions, l’engagement et le feedback qualitatif plutôt que sur le ROI direct.
Savoir pivoter ou arrêter. Accenta a arrêté le programme structuré après deux ans pour se concentrer sur les commerciaux et le CEO, en cohérence avec l’évolution business.
Vous souhaitez lancer votre programme d’Employee Advocacy ? Commencez petit, avec des volontaires motivés, et construisez progressivement votre task force. L’essentiel : = ne pas les laisser seuls.


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