Tout est parti d’une question posée par Mégane Gateau dans la communauté UnlockM : « Quand on part de zéro, par où commencer pour relier LTV, CAC, CAC Payback et Rule of 40 ? Et surtout : comment adapter sa stratégie en fonction ? »
Pour y répondre, quatre experts du pilotage revenu et marketing ont partagé leurs retours d’expérience concrets :
Gwenn Charlot, ex-Qonto ;
Selma Chauvin, CRO chez Agorapulse ;
Emmanuelle Kleinmann, ex-Aircall ;
Patrice Barbesier , ex-Partoo).
Leur point commun ? Avoir transformé les KPIs business en outils d’aide à la décision, dans des contextes à forte pression sur la rentabilité.
Ils expliquent comment connecter les bons indicateurs, interpréter les benchmarks selon son marché, construire une stratégie pilotée par la data et surtout, convaincre la direction en parlant le langage de la valeur.
1. Du pilotage « volume » au pilotage « valeur » : le vrai switch stratégique
Première erreur fréquente : croire que plus de volume = plus de croissance. Ce raisonnement, hérité d’une logique start-up early-stage (et parfois boosté aux levées de fonds), a montré ses limites.
Prenons un exemple concret : vous avez généré 10 000 leads sur une campagne. Très bien. Mais que valent-ils vraiment ?
Combien ont converti ?
Combien ont tenu dans le temps ?
Quels segments sont réellement rentables ?
Quels canaux ont attiré les clients les plus fidèles ?
Chez Qonto, le changement de paradigme a été clair : arrêter de célébrer le volume brut, et commencer à regarder la valeur nette générée par segment. Cela implique plusieurs chantiers :
Segmenter la base clients selon leur potentiel réel (freelance, PME, +50 salariés…).
Former les équipes marketing ET sales à ces nouveaux KPIs.
Aligner la lecture des données avec la finance, pour parler un langage commun au Comex.
Ce changement de cap illustre un principe fondamental du data-driven marketing : les décisions stratégiques ne se basent plus sur des intuitions ou des volumes bruts, mais sur l’analyse rigoureuse de la valeur générée par chaque action marketing.
À retenir : si vous continuez à présenter les performances marketing en « nombre de leads » ou « taux de clics », vous êtes probablement en train de perdre la bataille du budget. Passez vos reportings en mode business impact.
2. Suivre la LTV dans le temps : un indicateur sous-exploité et pourtant décisif
La LTV (Lifetime Value), c’est la valeur générée par un client sur la durée. Mais attention : une LTV mal mesurée est une fausse bonne donnée.
Trop souvent, les entreprises cherchent à estimer une LTV « totale » sur toute la durée de vie du client — sans avoir assez de recul pour que ce soit fiable. La clé, c’est de travailler avec plusieurs horizons temporels : 1 an, 3 ans, 5 ans.
« La LTV à 1 an > CAC, sinon tu hypothèques ta croissance. »
Ce ratio est devenu la référence commune entre marketing, finance et direction. Il permet :
D’évaluer la rentabilité rapide d’un canal (horizon 1 an).
De justifier des investissements long terme sur des segments plus sticky (horizons 3–5 ans).
D’identifier les zones de risque : churn élevé, faible panier moyen, absence de réachat.
3. Adapter vos benchmarks au contexte marché : un impératif pour scaler sans vous tromper
Beaucoup de marketeurs appliquent des ratios « par défaut » sans jamais se demander s’ils sont pertinents dans leur marché.
Mais la réalité, c’est qu’un bon CAC en France ne l’est peut-être pas en Allemagne. Un bon LTV/CAC en Espagne ne l’est pas forcément aux US.
Gwenn Charlot nous donne quelques repères observés chez Qonto :
Autrement dit, vous devez contextualiser vos objectifs de rentabilité. Ce n’est pas une question de « bon ou mauvais », mais de coût d’accès à un marché vs. valeur client générée.
Bonus : si vous êtes en PLG (product-led growth), arrêtez de piloter au tCPA. Passez au tROAS (target Return On Ad Spend). C’est le seul indicateur qui tient compte de la valeur réelle générée par un utilisateur activé.
4. La Rule of 40 : l’indicateur que votre board attend (même si vous ne l’utilisez pas encore)
« Si tu es au-dessus de 40, tu choisis tes investisseurs. En dessous, ce sont eux qui te choisissent. »
La Rule of 40 est une règle d’or utilisée par les investisseurs pour évaluer la qualité d’une croissance. Elle combine :
Taux de croissance annuel (%) ;
Marge d’EBITDA (%).
L’objectif : croissance + rentabilité ≥ 40 %.
Par exemple :
30 % de croissance + 10 % d’EBITDA = ✅
50 % de croissance mais -20 % d’EBITDA = ❌
Pourquoi c’est crucial ? Parce que cette règle vous force à arbitrer intelligemment :
Faut-il freiner la croissance pour améliorer la marge ?
Faut-il investir dans un nouveau segment même s’il plombe temporairement le ratio ?
Faut-il réduire les coûts ou augmenter les prix ?
Conseil : la Rule of 40 est un indicateur « finance », pas un KPI quotidien. Traduisez-la en objectifs opérationnels pour vos équipes marketing, growth, sales.
5. Pilotez vos budgets avec des ratios clairs et partagés
L’une des grandes frustrations des équipes marketing, c’est de devoir justifier chaque dépense, surtout dans les périodes tendues. Bonne nouvelle, il existe des ratios simples, solides et respectés par la finance. À vous de les adopter pour structurer vos arbitrages.
Les benchmarks à connaître :
Budget marketing : 15 à 20 % du nouveau revenu attendu.
Budget total Sales + Marketing (effectifs compris) : < 12 mois de revenu généré.
CAC Payback : idéalement ≤ 12 mois (soit ~⅓ de la LTV).
LTV/CAC :
< 3 : insuffisant
3- 5 : satisfaisant
5 : excellent
Ces ratios ne sont pas juste là pour faire joli en board meeting. Ils servent à décider :
Doit-on investir dans un nouveau marché ?
Faut-il recruter un growth marketer ou un RevOps ?
Est-ce que ce salon ou cette campagne a un ROI projeté acceptable ?
Pro tip : certaines équipes traduisent même chaque recrutement en objectif ARR. Exemple : +100k€ d’ARR pour justifier l’embauche d’un profil RevOps. C’est clair, concret, aligné.
En résumé : maîtriser vos data marketing, c’est reprendre le contrôle.
Les entreprises qui réussissent ne sont pas celles qui ont le plus de data, mais celles qui savent quoi en faire. Les KPIs comme la LTV, le CAC ou la Rule of 40 ne sont pas des « vanity metrics ». Ce sont des leviers de pilotage pour :
construire une stratégie rentable ;
convaincre un board d’investir ;
aligner les équipes sur des objectifs clairs.
Voici une checklist concrète pour renforcer vos réflexes data marketing :
Segmenter vos clients par taille et valeur générée.
Suivre la LTV sur 1, 3 et 5 ans pour chaque segment.
Adapter vos benchmarks CAC/LTV par pays ou ligne produit.
Intégrer la Rule of 40 dans vos arbitrages stratégiques.
Justifier chaque dépense par un mini-business case simple.
Traduire chaque recrutement en ARR attendu.
Intégrer ces metrics dans vos comités, dashboards et rituels hebdo.


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